Commission de Protection des Eaux, du Patrimoine, de l'Environnement, du Sous-sol et des Chiroptères de Franche Comté

Tuilerie KORAMIC – Migeon (25) : justice en eau trouble pour 6 kms de ruisseau pollués il y a 7 ans.

publié le16 mars 2007

Alertée le 31 juillet 2000 par des riverains qui signalent une coloration importante du ruisseau de Lantenne depuis une dizaine de jours, et tout particulièrement dans les dernières 48 heures (avec jusqu’à 2 cm de dépôt de boues au fond par endroit), la CPEPESC contactait immédiatement les gardes-pêches et se rendait sur les lieux dès le lendemain 1er août.

« Sur place, nous remarquons que la tuilerie KORAMIC à Lantenne-Vertières(25) (plus connue sous le nom de tuilerie MIGEON) rejette des effluents très chargés dans le ruisseau. Ce rejet situé à 200 mètres en aval de la source est très chargé en MES. Des photos sont réalisées. Le ruisseau prend une couleur blanchâtre depuis le point de rejet jusqu’en amont de Lavernay. La différence est très visible à chaque confluence (Ruisseau de Cottier, ruisseau du Pommeau…) »

Les analyses réalisées par les agents de constatation révèleront des rejets de MES (argile) dans le ruisseau de 240mg/L, au lieu des 35 mg/L prévu par l’arrêté ministériel du 22 septembre 1994 (et du maximum admissible de 70mg/L en prélèvement instantané).
Ces analyses démontreront également un dépassement des normes de rejets en sulfate, avec 598mg/L au lieu des 100mg/L prévus par les textes. Le ruisseau est pollué par les matières en suspension sur 6 kilomètres !

Le Parquet ne poursuit pas. La CPEPESC relance l’affaire

Malgré l’impact énorme de cette pollution sur la presque totalité du cours du ruisseau et les PV réalisés en bonne et due forme par les gardes-pêches et de la gendarmerie , le parquet de Besançon n’engagera pas de poursuite pénale et classera sans suite la plainte de la CPEPESC en juin 2002 ! L’avis de classement ne comportait aucun motif.

Celle-ci n’acceptera pas cet « enterrement » du dossier et relancera la machine judiciaire par une nouvelle plainte motivée, avec constitution de partie civile, adressée cette fois directement au Doyen des Juges d’Instruction.

L’association n’avait pas accepté ce classement sans suite d’autant qu’elle avait appris que l’entreprise pollueuse, installation classée soumise à autorisation, ne respectait pas les dispositions de son arrêté préfectoral d’autorisation (AP 97/DCLE/n°5305 du 17/11/1997).

En effet, les normes de rejets fixées par cet arrêté étaient énormément dépassées.

En effets, les rejets de la tuilerie dénoncés ont été d’autant plus grave que l’atteinte portée au ruisseau concerné affectent durablement la fonctionnalité de ce cours d’eau et a réduit fortement son potentiel d’accueil pour la faune et la flore en raison du colmatage des fonds et de la réduction drastique des capacités d’accueil et d’auto-épuration du milieu.

Pourtant, l’intérêt et la nécessité de préserver ces petits cours d’eau présente à la fois un triple objectif de protection de l’environnement, de préservation des ressources en eau et de sécurité publique. Le bon fonctionnement de ces ruisseaux est en effet le garant du maintien de la biodiversité (notamment au niveau de la faune aquatique), d’une bonne qualité d’eau et d’une régulation correcte des écoulements.

Les rejets opérés dans le ruisseau de Lantenne, avec des effets visibles sur plusieurs kilomètres, constituent une atteinte majeure aux intérêts défendus par notre association, qui se bat pied à pied, d’une part pour conserver des cours d’eau diversifiés et fonctionnels et d’autre part pour faire appliquer les législations relative à la protection de l’environnement.

L’impact environnemental des pollutions mécaniques est bien connu :
Celles-ci sont provoquées par des rejets fortement chargés en éléments fins en suspension.
Ces pollutions peuvent aussi bien induire des impacts directs sur les espèces piscicoles par agression mécanique (sur les branchies des poissons) ou des colmatages du substrat et de la flore aquatique générant des effets indirects par asphyxie (colmatage des frayères et asphyxie des alevins).

Les sulfates participent quand à eux à la salinité globale de l’eau qui, lorsqu’elle subit de fortes variations, peut entraîner des migrations, voire des mortalités des espèces aquatiques présentes. Si leur présence peut être naturelle dans les marnes, la mise en solution et leur déversement dans un cours d’eau est directement liée au ruissellement des eaux sur les terrains mis à nus par l’exploitation.

Le jugement

La société Koramic a enfin comparu devant le tribunal correctionnel de Besançon le 7 mars 2007 pour pollution des ruisseaux de la Lantenne et du Breuil, faits réprimés par l’article L. 432-2 du Code de l’environnement entre autres et non respect de son arrêté d’autorisation au titre des installations classées.

Devant le tribunal la CPEPESC a demandé réparation du préjudice qu’elle a subi dans sa mission de préservation de l’Environnement, en raison des comportements inacceptables vis à vis des milieux aquatiques.

Elle demandé également la réhabilitation du ruisseau concerné par des actions de reconquête des habitats aquatiques aujourd’hui colmaté.

Le juge a relevé que ce dossier arrivait bien tardivement à l’audience. La CPEPESC partageait le même sentiment… Pourquoi une pollution caractérisée aussi massive et conséquente n’a t elle pas fait l’objet de poursuite ?

Mais manifestement le ministère public n’a pas, quant à lui, apprécié la plainte avec constitution de partie civile adressée par l’association au juge d’instruction après le classement sans suite et sans motif de sa plainte par le parquet.

Oubliant semble-t-il un peu vite que 6 kilomètres de ruisseau ont été pollués et colmaté, le substitut Parietti dira même :

« Combien y a t’il eu de pollutions depuis la création de cette tuilerie en 1663 ? »,
puis il enchaînera en disant : « l’activité industrielle a effectivement un impact sur l’environnement, mais elle est aussi utile et indispensable à notre société. Il ne s’agit pas d’une entreprise qui s’en fiche puisqu’elle a remédié rapidement au problème ». Il justifiera donc la décision de classement sans suite prise par le Parquet à cette époque.

Et oubliant un peu vite que pour mettre en route la justice, la CPEPESC a du verser pendant 5 ans une caution de 800 €, il ajoutera qu’il ne faudrait pas que les actions en justice deviennent une rente pour les associations.

Après une suspension d’audience, le jugement a ensuite est prononcé :

La Société KORAMIC TUILES est reconnue coupable mais dispensée de peine.
Elle est aussi condamnée à verser 1000 euros de dommages intérêt à la CPEPESC et à lui rembourser 500 euros de frais de justice.

Epilogue

Voila une sanction qui ne devrait pas trop peser sur les rentes des actionnaires puisque que l’usine KORAMIC Migeon qui fait partie du puissant groupe allemand WIENERBERGER dont le rapport et le bilan 2004 ont été, selon une information de cette société, « couronnés à New York par 5 Gold Awards et un Grand Award, pour l’exceptionnelle qualité de leur présentation financière » !

Après l’audience pénale le représentant de la CPEPESC a pu dialoguer avec le patron de la société KORAMIC Migeon sur les améliorations que cette société reconnaît encore avoir à faire et projette sur la décantation avant rejet des eaux de la carrière.
La CPEPESC sera vigilante d’autant que selon d’autres sources une extension-modernisation de l’usine de tuiles de Lantenne a réalisée en 2006.

Mais peut-être que l’entreprise sera t elle couronnée prochainement pour la bonne qualité environnementale de ses activés ?