Commission de Protection des Eaux, du Patrimoine, de l'Environnement, du Sous-sol et des Chiroptères de Franche Comté

Stop au développement durable déraisonnable ! La cpepesc attaque le projet de la plus grosse porcherie industrielle de Franche-Comté, celui de la SCEA RAISON.

publié le27 novembre 2005

La CPEPESC vient de saisir, en date du 4 novembre 2005, le tribunal administratif de Besançon afin de demander l’annulation d’un arrêté délivré le 11 janvier 2005 par lequel le préfet de Haute-Saône a autorisé la SCEA RAISON à exploiter un élevage hors-sol de porcs d’une capacité de 5654 animaux-équivalents (soit 6276 animaux) sur le territoire de la commune d’Ormoy (70).

La porcherie actuelle que le projet prévoit de démultiplier.

Cet élevage est soumis à autorisation au titre des installations classées pour la protection de l’environnement sous la rubrique 2102-1 (plus de 450 animaux-équivalents) de la nomenclature des installations classées.

La porcherie RAISON deviendrait le plus gros élevage hors-sol porcin de tout le département, mais aussi de toute la région Franche-Comté.

Au niveau français, elle entre dans la catégorie des grands élevages de plus de 2000 porcins, qui sont au nombre de 1513 en France sur un total de 59 549 (de 1 à + de 2000 porcs) exploitations recensées. Non seulement, ce projet va contraindre des milliers d’animaux à vivre dans un «univers carcéral », élevés dans des conditions inacceptables et contraires au droit le plus élémentaire de l’animal, mais il va aussi emporter des conséquences dramatiques sur l’environnement.

De telles exploitations porcines de type concentrationnaire ont conduit la Bretagne à perdre ses paysages, la qualité de ses eaux potable, superficielles et de baignade.

Porté par la SCEA Raison, ce projet prévoit d’écouler une partie des céréales produites sur l’exploitation vers la porcherie pour engraisser à bon compte les porcs et engranger ainsi des bénéfices substantiels sur le dos des animaux (porcs charcutiers) élevés en batteries.

Production annoncée de 11 000 m3 annuellement !

En résumé, élever et vendre du porc en quantité à faible coût de production au détriment de la qualité et du bien-être de l’animal.

L’argument développé pour justifier de l’intérêt à étendre cette exploitation et du choix économique retenu consiste à prétexter que l’actuelle exploitation n’est pas rentable (sous-entendu qu’elle ne dégage pas suffisamment de profit).

Or, le gérant de la nouvelle société est aussi l’un des principaux associés du GAEC Raison, l’une des plus grandes exploitations céréalières, voire la plus grande de la région qui s’étend sur plus de 450 hectares de terres agricoles. Autant dire que l’exploitation n’est pas déficitaire. Le GAEC Raison n’avait nullement besoin d’élaborer et porter ce nouveau projet, si ce n’est pour augmenter ces bénéfices, car la pérennité du GAEC n’est aucunement dépendante de l’extension de la porcherie existante.

Cette action est particulièrement motivée par les atteintes que l’exploitation de cette grande porcherie industrielle fait peser sur l’environnement.

Des bon produits du terroir !

Le type d’élevage (hors-sol sur caillebotis) défendu par ce GAEC, et malheureusement par la plupart des responsables de la filière porc conventionnelle de la région, est en effet dangereux à plus d’un titre :

– Dangereux pour l’environnement : les risques pour l’environnement, même s’ils sont théoriquement minimisés sur le papier, sont bien réels. La production sur caillebotis de porcs produit des quantités énormes de lisiers (plus de 11 000 m3 annuellement dans le cas présent) avec des teneurs en azote et phosphore très élevées, responsables de l’eutrophisation et de la dégradation des eaux de surface et souterraines de la région.
Le plan d’épandage, basé sur un acte déclaratif, donc incontrôlable dans les conditions actuelles, n’est qu’une construction théorique, dont la crédibilité est entachée par des omissions et faux-semblants.

– Dangereux et cruels pour les animaux : selon l’OIE, en tant qu’Organisation mondiale de la santé animale, il existe une relation très forte entre la santé et le bien-être des animaux. De tels élevages -où l’animal n’est qu’un produit industriel, une machine à produire- sont immanquablement générateurs de stress et de détresse.

Enfermés, confinés, cloîtrés dans des espaces si restreints qu’ils peuvent à peine se mouvoir. Fragilisés, les animaux sont plus enclins à développer des maladies, ce qui conduit les exploitants à mélanger des médicaments à leur alimentation pour prévenir les zoonoses qui provoqueraient de véritables hécatombes en raison de la densité anormalement élevée des animaux. Dans la présente exploitation, chaque animal ne disposera, en moyenne, que de 1,10 m2 !!

De tels élevages n’ont que faire du bien-être de l’animal ! C’est sans doute la raison pour laquelle ces modes d’élevage, sur caillebotis (où les animaux sont directement élevés sur leurs déjections), ont été interdits pour les veaux au Royaume-Uni et le sera dès 2007 au sein de l’Union européenne. Il faut militer pour qu’il le soit aussi pour les porcs.

700 rotations d’épandage de lisier par an !

Quelques morceaux choisis de l’étude d’impact : « Les truies sont conduites en bandes, à raison de 21 bandes de 18 truies, avec la possibilité selon les performances d’une bande supplémentaire, soit 396 truies productives au maximum. Il s’agit d’une conduite à la semaine, c’est à dire que chaque semaine une bande de 18 truies entre en maternité pour la mise bas et chaque semaine, un lot de porcelets entre en post-sevrage. On considère que chaque truie fait une portée de 12 porcelets en moyenne, les lots de porcelets comptent donc environ 216 animaux, ce qui correspond à la capacité de chaque salle de post-sevrage en projet. »

– Dangereux pour la santé : dans le cas présent, la production concentrationnaire conduit à une utilisation d’antibiotiques, alors qu’au même moment de récentes études font état d’une forte corrélation entre l’utilisation des antibiotiques et la diminution des défenses immunitaires chez l’homme. De l’avis même de l’inspecteur des Installations classées, on ne peut écarter, dans un système où l’animal est élevé de manière intensive et industriel, des risques de maladies contagieuses transmises à l’homme, surtout chez le porc.

– Dangereux pour les politiques publiques : de tels choix économiques portent un préjudice certain et discréditent grandement les politiques publiques établies en faveur d’une meilleure prise en compte de l’environnement (NATURA 2000 Val de Saône, SDAGE RMC, etc.).

– Dangereux pour les petits agriculteurs : l’utilité sociale et la pertinence du projet sur l’emploi au sein de la filière agricole ne sont pas démontrées. Cette future exploitation très capitalistique (plus de 2,5 millions d’euros – 15 millions de francs) créera peu d’emploi, un à deux tout au plus contre une demi-douzaine si l’orientation choisie avait été une production fermière sur paille.

– Dangereux pour les labels de qualité et la notoriété de la Franche-Comté : après les crises alimentaires de ces dix dernières années, est-il normal de duper encore plus le consommateur sur des produits dits de qualité,
issus d’animaux élevés industriellement et nourris avec des compléments comme le soja, issus de pays où la culture des OGM prédomine ? Où est l’intérêt de produire du porc labellisé « porc comtois » si ce dernier est élevé dans les mêmes conditions pitoyables que dans les usines à cochon des Pays-Bas ou les plus gros élevages bretons ?

– Dangereux pour le tourisme : ce type d’élevage s’accompagne de nuisances olfactives importantes issues des bâtiments d’élevage mais aussi et surtout des épandages du lisier (plus de 700 rotations avec la tonne à lisier sont ici prévus chaque année !!).

L’impact sur le tourisme en plein développement dans ce secteur [tourisme fluvial sur la Saône et le canal de l’Est, tourisme culturel vert ou technique comme les visites d’entreprises (verrerie, fromagerie, etc.)] est réel et non pris en compte dans le cadre de ce projet.

On mesure toute l’ampleur des dangers et inconvénients pour l’environnement, voire pour la santé des populations. Le mouvement associatif ne peut que s’opposer à ce projet même s’il ne dispose que de moyens dérisoires face à un groupe industriel puissant…

En savoir plus sur les porcheries et l’environnement.