Commission de Protection des Eaux, du Patrimoine, de l'Environnement, du Sous-sol et des Chiroptères de Franche Comté

La saga des « tripes en folie » de Belleherbe (25)

publié le3 juin 2005


Durant un quart de siècle, les problèmes d’assainissement de Belleherbe, affectant notamment la source captée en contrebas du village, auront alimenté une véritable saga de pollutions périodiques et d’épidémies à répétition…
C’est une désopilante histoire d’anthologie rurale des plateaux calcaires comtois qui mériterait d’être racontée dans le détail, mais il ne sera rappelé ici que quelques faits principaux liés à l’action de la CPEPESC.

Avec la construction à Belleherbe (25) d’une nouvelle station d’épuration, c’est deux points noirs de pollution qui devraient enfin disparaître en 2006 dans le val du DESSOUBRE. La commune voisine de Charmoille ayant en effet par délibération du 25 mars 2005 enfin accepté de se rattacher à la future station de Belleherbe.

Le circuit fermé de Belleherbe

En novembre 1979, pendant qu’une N ème épidémie d’hépatite virale avait alité 50 personnes à Belleherbe (surtout des enfants, sur une population de 550 habitants), l’association réalise une expérience de coloration du déversoir qui s’infiltre dans le sous-sol de l’antique station d’épuration. Les effluents ressortent 3 heures plus tard dans la source captée et encore, 2 heures plus tard, aux robinets des consommateurs !

Cette démonstration dérangeante obligera les responsables communaux à reconnaître que l’eau du robinet était bien à l’origine des épidémies, comme l’avait affirmé la CPEPESC dans la presse.

A l’époque pour résoudre les problèmes, la commune se bornera à mettre en place une conduite pour rejeter les eaux de la station d’épuration en aval du captage et à installer dans celui-ci un système de désinfection. Mais pour obtenir la réalisation effective de ces travaux, le Préfet devra momentanément bloquer les permis de construire !

Il avait été également décidé de faire définir par un géologue la zone d’épandage pour les purins agricoles, sans grand succès, comme le montre par la suite les nombreux problèmes périodiques de pollution et de contamination, plus ou moins importants, qui continueront d’affecter cette source.

NDLR :
Une épidémie d’hépatites virales de type A, comme Belleherbe n’est pas anodine. (La plus ancienne connue remonta à 1970 !) C’est une maladie grave qui engendre des nausées et des douleurs qui peuvent durer jusqu’à un mois et demi mais aussi, entraîne durant plusieurs mois une très grande fatigue. Mais plus grave encore, l’hépatite de type A peut devenir chronique et devenir ainsi une véritable infirmité.

Les « tripes en folies »

En novembre 1996, une pollution de l’eau du captage entraîne une importante épidémie de gastro-entérite.


On constate qu’un agriculteur a épandu massivement du purin sur le plateau en amont de la source : De l’eau brunâtre et nauséabonde coule même aux robinets. Les analyses confirment leur contamination bactérienne.

Le 2 décembre 1996, la CPEPESC porte plainte pour la pollution du captage auprès du Procureur de la République du Tribunal correctionnel de Montbéliard …. Qui classe l’affaire « sans suite » en 1997 !

L’ancienne « station dépuration » de Belleherbe (25) a pollué jusqu’en 2008 .
La coloration de son « jus » en 1979 est ressortie aux…robinets !

En 2001, lors de sorties de terrain de l’association, il est constaté que l’augmentation de la pollution dans le ruisseau de Vaucluse, affluent du Dessoubre, devient intolérable en raison de la vétusté et du sous dimensionnement de la station d’épuration. Outre les eaux usées du village, celle-ci doit aussi traiter les eaux de lavage d’une fromagerie qui reçoit plus de 6 millions de litres de lait par an, ( 45 meules de comtés en y sont fabriquées en moyenne par jour). Une telle fromagerie rejette entre 5 à 10 litres d’eau de lavage par litre de lait traité ! La fromagerie a été subventionnée pour sa mise aux normes européennes mais dans l’opération on a « oublié » l’épuration des effluents.

L’enquête de l’association permet d’obtenir la preuve que la station fonctionne mal, qu’elle reçoit des arrivées de purin perturbatrices (pratiques interdites), qu’elle fonctionne en anaérobiose et dégage de mauvaises odeurs, que son rejet théoriquement épuré est en fait très chargé et dangereusement putride. D’ailleurs il suffit d’observer « l’installation »…
En juillet 2002, la CPEPESC emmène sur les lieux une équipe de reporters TV. Les jours suivants, dans l’émission « Bleu clair » sur France 3, le grand public peut découvrir à l’écran, au milieu des vaches et des paysages bucoliques, les cascades nauséabondes qui dévalent de Belleherbe vers le Dessoubre.

Le 17 septembre 2002, l’association dépose encore plainte, cette fois pour un délit permanent : c’est à dire la pollution permanente des eaux.

Elle écrit une nouvelle fois au Procureur de la République de Montbéliard : « Dans le cadre de sorties de terrain, la Commission de Protection des Eaux a constaté la pollution en totalité d’un petit ruisseau sur le territoire de la commune de BELLEHERBE.
Cette pollution trouve son origine par le rejet de la station d’épuration de BELLEHERBE, obsolète et insuffisante depuis des années.

Ce « ruisseau-égout », dont l’importance de la mortalité est telle que toute vie aquatique y est impossible, se jette ensuite dans le ruisseau de Vaucluse qu’il pollue également de façon importante. Le ruisseau de Vaucluse aboutit enfin au DESSOUBRE, prestigieuse rivière dont la qualité des eaux est menacée….


Notre association pensait que, dans le cadre de l’opération de lutte contre les pollutions montée par le Conseil Général, la commune allait régulariser la situation. Mais il n’en est donc rien !

Vous trouverez d’ailleurs ci-joint des éléments qui montrent que durant toute l’année 2001, la station d’épuration avait une capacité de traitement vraisemblablement insuffisants….: ils indiquent clairement que :
– l’entretien de la station est souvent négligé,
– à chaque visite, le contenu du bassin d’aération est de couleur noirâtre avec une odeur nauséabonde et le rejet de sortie est d’aspect trouble avec une odeur putride,
– du purin arrive fréquemment dans la STEP.

Si rien n’a changé sur le terrain, la pollution s’est sans conteste encore accrue. En effet, nos mesures de terrain ont montré que la charge polluante du ruisseau après le rejet de la station est très importante, et l’on constate par ailleurs la présence de matières organiques non dégradées et putrides… à tel point que cette situation est dangereuse sur le plan sanitaire.

Un beau sirop qui s’écoule vers la vallée du Dessoubre

En effet, à l’aval, les bords du Dessoubre sont très fréquentés en été par des familles accompagnées d’enfants qui barbotent au bord de l’eau ; et plus grave encore : la situation plus bas à Mathay du captage de MONTBÉLIARD qui pompe les eaux du Dessoubre et du Doubs pour l’alimentation en eau potable de la population.

En conséquence, nous vous serions très reconnaissants, non seulement dans l’intérêt de la préservation des espèces piscicoles mais aussi dans l’intérêt du plus grand nombre, d’ordonner une enquête pour que des constatations et prélèvements soient effectués.

Compte tenu de l’importance de cette pollution et de ses conséquences particulièrement dramatiques sur l’environnement et plus particulièrement sur le milieu aquatique, nous souhaitons que son origine puisse être identifiée avec soin dans les meilleurs délais et que les responsabilités éventuelles soient clairement établies.

En conséquence, la Commission de Protection des Eaux, association régionale agréée au titre de la protection de l’environnement, a l’honneur de déposer plainte contre X pour pollution.
– En effet, le délit prévu par l’article L. 432-2 du Code de l’Environnement :
« Le fait de jeter, déverser ou laisser écouler dans les eaux mentionnées à l’article L.431-3, directement ou indirectement, des substances quelconques dont l’action ou les réactions ont détruit le poisson ou nui à sa nutrition, à sa reproduction ou à sa valeur alimentaire, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 120 000 F d’amende. Le tribunal peut, en outre, ordonner la publication d’un extrait du jugement aux frais de l’auteur de l’infraction dans deux journaux ou plus. » est réprimé par l’article L. 216-6 du Code de l’Environnement :

« Le fait de jeter, déverser ou laisser s’écouler dans les eaux superficielles, souterraines ou les eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales, directement ou indirectement, une ou des substances quelconques dont l’action ou les réactions entraînent, même provisoirement, des effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la flore ou à la faune, à l’exception des dommages visés aux articles L.218-73 et L.432-2, ou des modifications significatives du régime normal d’alimentation en eau ou des limitations d’usage des zones de baignade, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 500 000 F d’amende. Lorsque l’opération de rejet est autorisée par arrêté, les dispositions de cet alinéa ne s’appliquent que si les prescriptions de cet arrêté ne sont pas respectées.
Le tribunal peut également imposer au condamné de procéder à la restauration du milieu aquatique dans le cadre de la procédure prévue par l’article L. 216-9. »
est constitué, caractérisé et même permanent.
– Nous insistons sur le préjudice causé aux intérêts que défend notre association et vous demandons en tant que plaignant à être informé d’un éventuel classement de l’affaire comme le prévoit l’article 40 du Code de Procédure Pénale, ou de la date de l’audience comme le prévoient respectivement les articles 40 et 391 du Code de Procédure Pénale »….

Outre, la mise en œuvre de cette dénonciation pénale, la CPEPESC, par lettre du 26 novembre 2002, a sommé le maire de Belleherbe d’agir pour mettre fin à cette situation illégale :

« Monsieur le Maire,
– Nous avons l’honneur de vous faire connaître que, dans le cadre de ses sorties de terrain, la Commission de Protection des Eaux a constaté la très importante pollution du ruisseau de Vaucluse, sur le territoire de votre commune.
Cette pollution trouve son origine par le rejet de la station d’épuration de BELLEHERBE, obsolète et insuffisante depuis des années…..
* capacité de traitement insuffisante,
* entretien de la station souvent négligé,
* à chaque visite, contenu du bassin d’aération toujours de couleur noirâtre avec une odeur nauséabonde,
* rejet de sortie d’aspect trouble avec une odeur putride,
* arrivée fréquente de purin dans la STEP, …
– Nos mesures de terrain ont montré que la charge polluante du ruisseau après le rejet de la station est très importante, et l’on constate par ailleurs la présence de matières organiques non dégradées et putrides… à tel point que cette situation est dangereuse, non seulement pour la qualité des eaux, mais aussi sur le plan sanitaire. En effet, à l’aval, les bords du Dessoubre sont très fréquentés en été par des familles accompagnées d’enfants qui barbotent au bord de l’eau ; et plus grave encore : la situation plus bas à Mathay du captage de MONTBÉLIARD qui pompe les eaux du Dessoubre et du Doubs pour l’alimentation en eau potable de la population.
– Compte tenu de la gravité de la situation, notre association a dénoncée cette pollution à Monsieur le Procureur de la République le 17 septembre 2002.
– Vous comprendrez que notre association ne puisse accepter cette situation encore très longtemps. Nous vous remercions donc de bien vouloir nous faire connaître rapidement si votre municipalité décide de respecter l’environnement et de solutionner dans un délai raisonnable cette situation, notamment par la reconstruction d’une station d’épuration digne de ce nom et efficace. Sans réponse de votre part, notre association ne pourra que saisir le Tribunal Administratif…….

Le 12 décembre 2002, le Maire de Belleherbe répond à la CPEPESC.

« Par la présente, je vous informe que je suis conscient du mauvais fonctionnement de la station d’épuration de Belleherbe.
– C’est pourquoi, depuis un an, une étude de diagnostic du réseau d’assainissement de la commune de Belleherbe, ainsi que pour les communes de Charmoille et Vaucluse, est en cours. Nous aurons les résultats début 2003.
– Pour information, les coordonnées du bureau d’étude a qui nous avons confié cette mission : BETURE CEREC – 6 bis avenue de Franche-Comté – 25000 Besançon – Chargé d’études : Mr Hervé KOVACIC – Tél : 03.81.52.38.38 – Fax : 03.81.41.09.96.
– Un projet de station couverte, permettant le fonctionnement en toute saison et regroupant les trois communes, est prévue. Je ne manquerai pas de vous informer de l’évolution du projet.
– Par ailleurs, je tiens à porter à votre connaissance que d’importants travaux d’alimentation en eau potable, concernant neuf communes du plateau, vont commencer début 2003.
Il est difficile pour nous de mettre en route en même temps ces deux grands projets.
Le projet d’alimentation en eau potable étant sur de bonnes voies, l’assainissement devient notre priorité.
– Espérant avoir répondu à vos inquiétudes et restant à votre entière disposition pour tout renseignement complémentaire. »

L’association n’est pas du tout satisfaite, la commune cherche encore à gagner du temps. Elle envoie des lettres rappelant sa plainte pour pollution permanente au Procureur de la République.

Le 01 juin 2003, l’association ANPER-TOS Franche-Comté, qui milite également sur le terrain pour la protection du Dessoubre, adresse des lettres de doléance concernant les rejets communaux polluants aux maires de Belleherbe, Charmoille et Chamesey en leur rappelant leurs obligations.

En juillet 2003, alors que les « pouvoirs publics » se taisent, une nouvelle épidémie de gastroentérite frappe de nombreuses personnes de Belleherbe et des communes voisines qui utilisent la même eau.

Une nouvelle épidémie de gastroentérite


A la suite, la CPEPESC, dépose encore une nouvelle plainte et relance celle déposée le 17 septembre 2002 auprès du Procureur de la République du Tribunal Correctionnel de Montbéliard.

Rien ne semble bouger pendant un an. La CPEPESC relance une nouvelle fois la justice. Le 22 avril 2004 un courrier du Parquet du procureur de la République répond à l’association que la procédure n’a pas été classée et suit toujours en cours…. Comme la pollution semble-t il !

Enfin, le 27 octobre 2004, une lettre du Maire de Belleherbe est réceptionnée par la CPEPESC, le maire annonce de bonnes nouvelles pour la vallée du Dessoubre :

« Suite à votre plainte sur le mauvais fonctionnement de la station d’épuration de Belleherbe, j’ai l’honneur de vous informer que j’ai déposé auprès du Délégué du Procureur de la République de Montbéliard toutes les pièces concernant notre nouvelle station d’épuration.
– En effet, le conseil municipal a confié, par délibération du 27/02/04 visée le 03/03/04, la maîtrise d’œuvre pour les travaux de construction d’une station d’épuration communale de traitement des eaux usées domestiques et industrielles (fromagerie) à la DDAF.
– Des études préalables étant nécessaires à la réalisation d’un tel projet, le conseil municipal a confié, par délibération du 28/05/04 visée le 03/06/04 :
> dossier Loi sur l’Eau : entreprise BETURE CEREC
> Etude du sol : entreprise FONDASOL
> Plan topographique : Monsieur BOISSENOT, géomètre.
A ce jour, la société FONDASOL et Monsieur BOISSENOT ont effectué leur mission. Le bureau d’études BETURE CEREC a reçu le 08/10/04 l’ordre de service d’établir l’étude d’impact type « Loi sur l’Eau ».
– Veuillez trouver ci-joint le planning des travaux.
– Par ailleurs, je crois devoir vous préciser que la commune de VAUCLUSE, toujours en première position pour montrer du doigt BELLEHERBE, ne possède aucun dispositif de traitement des eaux usées. Le pensionnat de 80 élèves et les 60 habitants de VAUCLUSE déversent leurs eaux usées dans un petit ruisseau qui rejoint le Dessoubre.
– De même que CHARMOILLE, commune de 300 habitants, ne possède aucun traitement pour ses eaux usées déversées sur le même versant que la commune de BELLEHERBE donc au Dessoubre.
– Or, seule la commune de BELLEHERBE est désignée comme pollueur du Dessoubre. »…
…….

Le 10 mars 2005, un courrier du Procureur de la République de Montbéliard informe la CPEPESC que ses deux plaintes ont été sans suite l’une après rappel à la loi et l’autre après médiation pénale. Ce qui explique l’avancée rapide du projet de station d’épuration.

Le rejet des égouts de CHARMOILLE

Et les égouts de CHARMOILLE?

Cependant, l’association trouve judicieuse la remarque finale de la lettre du maire de Belleherbe en ce qui concerne Charmoille. Cette commune voisine dont le rejet est aussi un cloaque polluant, certes moins important que celui de Belleherbe, mais tout autant illégal et néfaste pour le ruisseau de Vaucluse. Et ceci d’autant qu’il avait été annoncé dans le passé que cette solution serait mise en œuvre.

La CPEPESC prend immédiatement la décision de porter l’affaire devant le tribunal administratif si Charmoille refuse de se rattacher à la station d’épuration de Belleherbe.
L’association fait savoir à la police des eaux, que dans ce cas elle attaquera à la fois l’État (responsable de la police de l’eau) et la commune (responsable de la pollution), pour demander des sanctions financières, seul moyen de pression contre l’État et les collectivités lorsqu’ils se refusent à respecter les lois.

Heureusement, il n’a pas été nécessaire d’en arriver là, la CPEPESC a enfin été informée qu’une délibération favorable au projet de rattachement à la station d’épuration projetée a été enfin prise par la municipalité de CHARMOILLE le 25 mars 2005.

NOTES ULTÉRIEURES
(2009)La saga des « tripes en folies et du circuit fermé » de Belleherbe devrait maintenant devenir une histoire du passé, la nouvelle station d’épuration de Belleherbe commencée en octobre 2006 a été mise en fonctionnement fin 2008…

Point en 2014 de la CPEPESC sur rejets résiduaires dans le bassin versant du DESSOUBRE