Commission de Protection des Eaux, du Patrimoine, de l'Environnement, du Sous-sol et des Chiroptères de Franche Comté

Travaux illégaux en pleine période de nidification dans le bassin versant amont de la Seille (71 et 39)

publié le2 septembre 2015

ACTE 1. TRAVAUX ILLÉGAUX EN SAONE-ET-LOIRE

Le 19 mai 2015, un bénévole de la CPEPESC a observé de lourds travaux sur la ripisylve de la Seillette à hauteur de la commune de Frangy-en-Bresse (71) entre le hameau Milieu de Charnay et Bas de Charnay. Deux pelles mécaniques travaillaient le long de la rivière dont une équipée d’un genre d’abatteuse qui permettait de couper des arbres d’un beau diamètre. Renseignements pris, ces travaux seraient effectués dans le cadre du second contrat de rivière de la Seille.

L’objectif visé par cette action est de reconstituer, sur les cours d’eau principaux et secondaires du bassin versant, un corridor forestier continu et diversifié.

Un programme restaurateur destructeur !

Ces travaux ne se résumaient pas à la coupe de quelques branches tombant sur l’eau mais s’accompagnaient d’abattages d’arbres à hautes tiges (aulnes, saules, frênes, peupliers, etc.) et de coupes de buissons et taillis formant le sous-étage comme le montrent les clichés.

Or, ils étaient réalisés en pleine période de nidification, de l’avifaune notamment, et dans un secteur inscrit dans le périmètre du Site Natura FR2612006 – « Prairies alluviales et milieux associés de Saône-et-Loire » désigné au titre de la Directive Oiseaux.

A ce stade et selon les informations, les travaux litigieux n’ont été nullement encadrés par un arrêté dérogatoire pris au titre de la protection des espèces protégées et des habitats d’espèces protégées comme l’exige pourtant les articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l’environnement

Si ces travaux ont fait l’objet d’une enquête publique et sont encadrés par un arrêté préfectoral  » loi sur l’eau » en date du 8 juin 2012 pris au titre de la procédure de déclaration d’intérêt général conformément à l’article L. 211-7 du code de l’environnement, cet arrêté ne dispensait pas le bénéficiaire de disposer des autorisations nécessaires au titre des espèces protégées et des habitats d’espèces protégées conformément à l’article L. 411-2 du Code de l’environnement, autorisations qui font défaut aujourd’hui puisque l’arrêté portant DIG n’est qu’un arrêté loi sur l’eau.

Sachant que les travaux impactent les populations d’oiseaux nicheurs de la ripisylve de la Seillette, qu’il s’agisse d’espèces communes protégées (Fauvette à tête noire, Fauvette grisette, Pinson des arbres, Bergeronnette grise, Rossignol philomèle, Bruant jaune, etc.), d’espèces plus rares (Pic épeichette, Martin-pêcheur d’Europe, Rousserolle effarvatte, Bergeronnette des ruisseaux, Pie-grièche écorcheur, Bruant jaune dans ce contexte prairial, Bruant des roseaux ou encore Bruant proyer ou Tarier des prés) ou d’espèces chassables (Merle noire, Grive litorne, etc.), ce qui marque assurément la présence d’enjeux liés à la biodiversité confirmés par la désignation au titre du Réseau Natura 2000, ils ne pouvaient être conduits en pleine période de nidification sans disposer des autorisations nécessaires.
Un chanteur de Tarier des prés, espèce en fort déclin, a d’ailleurs été entendu à 200 m au nord de la zone de travaux. Même si ce tarier et le Bruant proyer (bien présent sur le site) ne construisent pas leur nid en ripisylve, celle-ci constitue un habitat de reproduction au sens de la réglementation désormais protégé (L. 411-1 du CE).

Dans cette affaire le délit de destruction, altération et dégradation des habitats naturels et des habitats d’espèces apparait constitué comme d’ailleurs celui tenant à la destruction d’espèces protégées au regard du linéaire concerné et de la nature des travaux.

Ceux-ci se poursuivaient encore début juin au-delà du secteur indiqué plus haut, en aval, malgré nos alertes faites auprès du service départemental de l’ONCFS (par mail et par téléphone) dès le 19 mai 2015. Le linéaire de berges ainsi traité couvre plusieurs kilomètres.

Par ailleurs, l’association a constaté que les travaux ne respectaient pas les termes de l’article 10 de l’arrêté du 8 juin 2012. Cet article stipule : « Lors des travaux sur la végétation, compte tenu de la présence de la Zone Nature 2000, des précautions sont nécessaires afin de limiter les risques de destruction ou dérangement des animaux sauvages qui s’y abritent ou s’y reproduisent. C’est pourquoi les travaux sur la ripisylve devront être réalisés prioritairement en période de repos végétatif, soit entre le mois de septembre et le mois de mars « . Cet article se conclue par : « Aucune intervention sur la ripisylve ne sera effectuée en période de nidification » .

Face à des faits aussi lamentables, la justice a été saisie par la CPEPESC nationale.

ACTE 2. TRAVAUX ILLÉGAUX POURSUIVIS DANS LE JURA

Parallèlement, la CPEPESC de Franche-Comté a appris que des travaux similaires avaient également été menés dans le département voisin du Jura, sur Bletterans, commune riveraine de Frangy-en-Bresse et avaient impacté notamment deux cours d’eau : le Jeanbon (limite 39/71) et la Seillette.

Il semblerait que suite à l’intervention du porteur du contrat de rivière, l’EPTB Saône & Doubs le 29 mai 2015, consécutivement à l’action de la CPEPESC, la décision ait été prise par le maitre d’ouvrage et l’entreprise de continuer les travaux en dehors du périmètre du site Natura 2000 FR2612006 – « Prairies alluviales et milieux associés de Saône-et-Loire », d’où le glissement du côté jurassien.

Mais, que ces travaux soient réalisés en dehors ou au sein d’un périmètre protégé ne change pas la matérialisation de l’infraction. Les articles du code de l’environnement cités ci-dessus s’appliquent dans tous les cas quel que soit le statut du secteur géographique concerné.

Pour information, du côté Saône-et-Loire, ces travaux se sont poursuivis au moins jusqu’au 19 juin, date d’entrée en vigueur d’un arrêté de mise en demeure du préfet !

Au final le linéaire concerné par l’ensemble (39/71) de cette désastreuse opération couvrirait plusieurs dizaines de kilomètres. Il touche, au moins pour ce que nous avons pu constater, les cours d’eau suivants : Seillette, Brenne, Jeanbon, ruisseau de la Chaux ou encore des Tenaudins. Pour la partie jurassienne, le linéaire atteint ou dépasserait les 1000 ml, vraisemblablement « traité » entre le 29 mai et la mi-juin.

Comme pour les travaux localisés en Saône-et-Loire, l’arrêté loi sur l’eau du 5 juin 2013 pris au titre de la procédure de déclaration d’intérêt général conformément à l’article L. 211-7 du code de l’environnement ne dispensait pas le bénéficiaire de disposer des autorisations nécessaires au titre des espèces protégées et des habitats d’espèces protégées conformément à l’article L. 411-2 du Code de l’environnement, autorisations qui font défaut aujourd’hui puisque l’arrêté portant DIG n’est qu’un arrêté loi sur l’eau.

Sachant que les travaux impactent les populations d’oiseaux nicheurs de la ripisylve de la Seillette et du Jeanbon, qu’il s’agisse d’espèces communes protégées (Pic épeiche, Pic vert, Fauvette à tête noire, Fauvette grisette, Pinson des arbres, Bergeronnette grise, Rossignol philomèle, Bruant jaune, etc.), d’espèces plus rares (Pic épeichette, Martin-pêcheur d’Europe, Rousserolle effarvatte, Bergeronnette des ruisseaux, Pie-grièche écorcheur, Bruant jaune dans ce contexte prairial, Bruant des roseaux ou encore Bruant proyer ou Tarier des prés), d’espèces à plus grand territoire qui peuvent exploiter ces milieux (Milan noir, Faucon hobereau) ou encore d’espèces chassables (Merle noire, Grive litorne, etc.), ce qui marque assurément la présence d’enjeux liés à la biodiversité, ils ne pouvaient être conduits en pleine période de nidification sans disposer des autorisations nécessaires.

Le délit de destruction, altération et dégradation des habitats naturels et des habitats d’espèces apparait constitué comme d’ailleurs celui tenant à la destruction d’espèces protégées au regard du linéaire concerné et de la nature des travaux.

Dans des cas similaires intervenus récemment en Haute-Saône, l’un mettant en cause une collectivité, l’autre une grande société nationale, le procureur du TGI de Vesoul a reconnu les faits reprochés et la CPEPESC a obtenu la mise en œuvre de mesures compensatoires au titre de la composition pénale.

Le fait de porter atteinte à la conservation d’espèces sauvages protégées et d’habitats naturels protégés est n effet constitutif d’un DELIT prévu et réprimé par l’article L. 415-3 du code de l’environnement et dont les actes sont susceptibles de faire l’objet d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.

Si la constatation d’un délit suppose l’intention de le commettre, tout laisse à penser qu’elle est présente en l’espèce. En effet, le maitre d’ouvrage et l’entreprise sous-traitante (la même que celle ayant effectué les travaux du côté bourgogne) ne pouvaient ignorer la nécessité de requérir l’ensemble des autorisations nécessaires à la réalisation de ces travaux ((espèces protégées et habitats d’espèces) surtout après que l’EPTB soit intervenu du côté Saône-et-Loire pour exiger, en vain, du syndicat intercommunal d’aménagement du bassin de la Seille amont, de la Seillette et de la Brenne l’interruption des travaux..

En l’espèce, les responsables auraient donc agi en connaissance de la nature illégale des travaux au moins depuis le 29 mai.

Là encore, la justice a été saisie par la CPEPESC de Franche-Comté.