Commission de Protection des Eaux, du Patrimoine, de l'Environnement, du Sous-sol et des Chiroptères de Franche Comté

Pistes de réflexion pour une méthanisation soutenable des déchets agricoles. Actualités & actions

publié le7 janvier 2011

La production exclusive de lisier ou de digestats, hautement lessivables et donc polluants, est incompatible avec la préservation de la ressource en eau et de la biodiversité des prairies.

Tout élevage essentiellement sur caillebotis (production de lisier bovin ou porcin) ou avec production de digestat prédominant est donc une aberration. L’absence d’élevage sur paille prive les éleveurs de fumier (matière organique à décomposition lente) indispensable à une fertilisation équilibrée des sols. Et seuls restent disponibles le lisier ou le digestat avec en conséquences, les risques environnementaux de percolation rapide vers les eaux souterraines. C’est pourtant l’option technique qui a été retenue dans le projet de méthanisation de REUGNEY soutenu par l’ADEME sur une des zones les plus vulnérables de Franche-Comté (choix géographique douteux et très contestable qui n’a d’ailleurs jamais été justifié par les financeurs institutionnels du projet). La vision de cet organisme s’arrête-t-elle a une simple logique énergétique sans prise en compte du bilan environnemental global? Le statut et la confiance dont il bénéficie auprès de la Région et des autres collectivités ne justifieraient-t-ils pas une nouvelle réflexion plus générale, si l’on veut toujours parler de développement durable?

Car la méthanisation n’implique pas obligatoirement un élevage sur caillebotis.

Il est largement possible de méthaniser du fumier de litière. La transformation en élevage sur caillebotis telle que proposée à Reugney n’est pas le fait des besoins de la méthanisation mais d’une logique toujours plus productiviste et destructrice des acquis (comté, milieu naturel, agriculture humaine et responsable) qui malheureusement est imposée à bon nombre d’agriculteurs. Le résultat à Reugney est une aberration environnementale avec des concentrations d’azote à l’hectare supérieures de plus de 50% à celles de plans d’épandage de porcheries déjà bien néfastes pour les milieux aquatiques .

Pour le projet d’unité de méthanisation de Reugney il apparaît donc que :

la mise en place du caillebotis prévue initialement doit être stoppée pour permettre de préserver une fertilisation mixte. Le maintien d’une production de fumier permettrait de diminuer les besoins en digestats sur l’exploitation et donc les risques environnementaux.

les digestats en excédents qui résulteront d’une fertilisation mixte devraient être desséchés ou utilisés par d’autres exploitations de façon à se substituer aux engrais de synthèse mais uniquement aux engrais de synthèse. Contrairement au projet actuel où les digestats sont l’unique mode d’amendement avec les engrais de synthèse en sus.

La faisabilité technique de la déssication est largement possible car il existe dans ce projet un excédent de chaleur qui doit servir à sécher le fourrage et à chauffer une serre à 600m d’altitude! Une autre utilisation « plus verte » de cette chaleur est donc possible. Une étude agronomique peut aussi aisément évaluer les besoins en azote minéral sur le plateau d’ Amancey pour envisager une redistribution des digestats à une échelle plus large que les 5 exploitations concernées actuellement.

Dans l’avenir il est fondamental que l’on ne mette pas la charrue avant les bœufs : c’est-à-dire créer l’unité de méthanisation puis chercher après à épandre ou plutôt à se débarrasser des digestats à tout prix. Il nous semblerait raisonnable d’évaluer les besoins collectifs en fertilisants minéraux azotés à l’échelle d’un territoire et en tenant compte de la vulnérabilité du milieu (karst, zones humides, etc.) puis définir le projet le mieux adapté (localisation, volume…). Cette approche globale est aussi valable pour les matières sèches mélangées aux effluents de façon à favoriser les déchets verts plutôt que certains déchets agro-industriels dont l’innocuité est loin d’être garantie. La méthanisation ne peut être le prétexte à un productivisme agricole (surtout dans une zone AOP Comté).


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