Commission de Protection des Eaux, du Patrimoine, de l'Environnement, du Sous-sol et des Chiroptères de Franche Comté

Observations de la CPEPESC lors de l’enquête publique sur le renouvellement de la concession à EDF de la chute hydroélectrique de Liebvillers – Grosbois (25)

publié le12 novembre 2005

Le 18 juillet 2003, la CPEPESC a remis les observations suivantes dans la cadre de l’enquête publique relative au renouvellement de la concession d’EDF sur la chute de Liebvillers – Grosbois, sur le Doubs.

OBSERVATIONS DE LA CPEPESC SUR LA DEMANDE DE RENOUVELLEMENT DE LA CONCESSION DE LA CHUTE DE LIEBVILLERS-GROBOIS ET PRESENTE PAR EDF

Effectivement, à coté d’une centrale thermique qui produit du CO2 et d’une centrale nucléaire qui génère des déchets radioactifs, l’hydroélectricité fait bonne figure. Il n’en reste pas moins que les impacts de cette activité sur l’environnement, bien que différents, sont bien réels et conséquents sur le fonctionnement des rivières et l’équilibre des écosystèmes aquatiques.

En dépit des conséquences néfastes sur la rivière, le fonctionnement habituel d’une centrale hydroélectrique permet surtout d’obtenir du courant au moment désiré et à un coût intéressant.

Concernant le contenu de l’étude d’impact :

– L’étude d’impact fournit des éléments sur la faune piscicole par l’étude des micro-habitats. Si la méthode est peu utilisée pour l’instant, elle semble fournir des résultats intéressant en terme de diagnostic. Cependant on lit page 84 que cette méthode à des limites bien connues des spécialistes qui la mettent en œuvre. Le public et la CPE aurait bien apprécié de connaître ces limites pour se faire une idée du degrée de validité des résultats et appréciation l’analyse qui en est faite.

– Le SDAGE impose que soit étudiés l’incidence du fonctionnement par éclusée. Si le paragraphe A.34. y semble consacrée, on apprend simplement que les variations de débit sont absorbées par la retenue de Dampjoux, mais les effets sur le milieu et sur la faune aquatique n’est absolument pas étudié.

Concernant le chapitre consacré aux mesures compensatoires et de réduction d’impact :

– Sur à peine une demi page, EDF propose l’augmentation du débit minimal à 3,5 m3/s (soit le 1/10ème du module) et une somme de 2996,45 ~ aux pêcheurs pour la redevance alvinage.

– La Commission de Protection des Eaux est obligée de constater qu’il ne s’agit en rien de mesures compensatoires à l’activité hydroélectrique, puisque ces deux «propositions» constituent en réalité des obligations d’ordre réglementaire qui s’appliquent à tout renouvellement de concession et à tout création nouvelle depuis l’entrée en vigueur de la loi pêche et de la loi sur l’eau.

Ainsi, en insistant lourdement sur le coût de ces mesures dans le dossier (réduction de la productibilité de 51,3 à 48,9 GWh), EDF tente de faire croire que l’entreprise réalise, de façon volontaire, un effort important en faveur de l’environnement, or il n’en est rien. En effet, jusqu’au renouvellement de leur concession, les ouvrages existants bénéficient d’un régime juridique exceptionnel aul/40ème du module, alors que les autres doivent respecter le l/lOè du module depuis plusieurs années. En parallèle des chiffres avancés, EDF se garde d’ailleurs bien de chiffrer les «bénéfices» tirés du maintien jusqu’à ce jour d’un débit minimum de 847L/s, grâce à la durée de la concession précédente (75 ans !).

Dans les faits, EDF se borne donc simplement à respecter la loi et ne propose aucune mesure compensatoire..

Dans le dossier, seul le rétablissement de la libre circulation du poisson aurait pu être considéré comme une véritable mesure compensatoire à l’aménagement hydroélectrique. Malheureusement, cette mesure est écartée d’un revers de main par EDF au motif que celle-ci :

– n’est pas obligatoire (le Doubs n’étant pas classée au titre de l’article L 232-6 du Code Rural à la date de la demande de renouvellement de concession)

– est déjà empêchée par des obstacles infranchissables situés, en amont et en aval et que les potentialités de frayères pour la truite seront plus intéressantes dans le tronçon court- circuité qu’en amont.

Pourtant, EDF affirme elle-même, dans ces opérations de communication qu’elle nous doit « plus que la lumière » et que le respect de l’environnement est au cœur de ses préoccupations, avec un certain nombre d’engagement vis à vis de ses clients: «EDF acteur de l’eau, EDF assure une gestion partagée de cette ressource nationale tout en préservant la qualité de l’écosystème aquatique autour de ces installations ». «En exploitation, les ressources piscicoles des rivières sont préservées […] la vie et la reproduction des espèces sont garanties.. échelles, ascenseurs et écluses permettent aux poissons migrateurs de franchir les barrages pour frayer en amont» (Cf. annexe).

Dans ce dossier, si on ne met en œuvre que ce qui est strictement imposé par la réglementation, où est le plus et où est l’engagement d’EDF en faveur de l’environnement et du développement durable?

Pas plus que le précédent, l’argument des obstacles infranchissables existant en amont ne tient pas. Comme le rappelle EDF en page 6/9 et 7/9 de son complément à l’étude d’impact initiale:

1) « le Doubs est identifié comme un milieu dont le fonctionnement physique est altéré et par modification du régime hydrologique suite à des aménagement hydroélectriques

2) « l’une des orientations fortes du SDAGE est décloisonnement des milieux afin de garantir la libre circulation des espèces piscicoles (alinea 4 de la fiche thématique 5) ».

Si EDF ne réalise pas aujourd’hui cet aménagement indispensable, il en sera de même lors du renouvellement des concessions amont et aval, car si chacun attend que le voisin rende son barrage franchissable avant de le faire lui, on peut encore attendre longtemps pour voir cette portion du Doubs à nouveau apte à la circulation du poisson. De plus, le SDAGE rappelle explicitement que « tous les poissons ont un statut de migrateur à une période ou une autre de son cycle biologique ».

En l’absence d’aménagement spécifique en faveur de la circulation des poissons, les différentes espèces (et pas seulement la truite) situées en amont n’auront jamais la possibilité d’effectuer convenablement l’intégralité de leur cycle biologique, ce qui se traduit par un peuplement piscicole identifiée à juste titre par EDF comme « pauvre, avec de nombreuses espèces manquantes ».

En conséquence, la Commission de Protection des Eaux ne peut que donner un avis défavorable à ce renouvellement si la libre circulation des poissons n’est pas assurée.