Commission de Protection des Eaux, du Patrimoine, de l'Environnement, du Sous-sol et des Chiroptères de Franche Comté

La décharge durable de Passavant (25)

publié le15 avril 2008

Malgré la « SEMAINE DU DEVELOPPEMENT DURABLE » : l’environnement a toujours du souci à se faire !

Il est facile de parler de développement durable. Mais au pied du mur ?

Les pouvoirs publics ne pourraient-ils montrer l’exemple et commencer par résoudre des atteintes à l’environnement localisées dans un délai raisonnable ?

Voici une affaire dénoncée par la CPEPESC depuis des années :
celle d’une décharge sauvage totalement illégale, implantée sur le territoire de la commune de PASSAVANT, dans une doline du bassin versant du CUSANCIN :</doc1703|left>

En avril 2004, à la suite d’une sortie de terrain, des membres de la CPEPESC découvre qu’une très grande décharge, installée dans une vaste et profonde doline, reçoit toujours une grande quantité des déchets malgré une barrière cadenassée rendant les lieux inaccessibles… sauf aux personnes en détenant les clés.

C’est un énorme amoncellement de déchets toutes sortes : ordures ménagères, papiers, plastiques, ferrailles, encombrants, etc…, ainsi que des traces de brûlage de déchets, qui est ainsi découvert et photographié.

Des traces de véhicule relativement fraîches montrent que ce lieu de dépôt est toujours actif et que la municipalité donne l’usage de la clé du cadenas. La commune de PASSAVANT est pourtant située entre deux déchetteries ouvertes au public et aux artisans : BOUCLANS et BAUME-LES-DAMES.

L’appel aux autorités compétentes

Le 30 avril 2004, l’association adresse donc une description des lieux au Préfet du Doubs et lui demande de bien vouloir prendre rapidement les mesures administratives prévues par la loi pour supprimer cette décharge illégale qui, non seulement enlaidit le paysage, mais contribue également à la dégradation des eaux souterraines puisqu’étant située dans un effondrement du sol de nature karstique en relation avec les sources de la vallée du CUSANCIN.

Ce stockage illégal d’ordures, cet enfouissement de déchets constitue en effet une exploitation d’installation classée sans autorisation et se trouve donc soumis à la police spéciale du Préfet en la matière.

Or, l’article 3 de la loi n°76-663 du 19 juillet 1976, relative aux Installations Classées pour la Protection de l’Environnement, soumet à autorisation, toute opération de stockage et de traitement des ordures ménagères et autres résidus urbains (Cf. Rubrique n°322 de la nomenclature ICPE, particulièrement les paragraphes B.2. Décharge ou déposante et B.4. Incinération). Cette infraction est sanctionnée par l’article 18 de cette même loi.

Quatre mois plus tard, le 2 août 2004, le Préfet du Doubs répond :

« Vous avez appelé mon attention sur une décharge sauvage sur le territoire de la commune de Passavant. Je vous informe que j’ai demandé à Monsieur le DRIRE d’examiner votre demande et de vous répondre ».

Six mois plus tard, un mail d’un responsable la DRIRE indique :

« … Par lettre du 29 décembre 2004 et suite à notre proposition, M. Le Préfet a rappelé aux deux maires concernés la réglementation, notamment le fait que les décharges de classe 3 ne peuvent recevoir que des déchets inertes. Il a précisé que des arrêtes de fermeture pourraient être pris si cette disposition n’était pas respectée ».

Le 4 mars 2005, après être repassée sur le terrain, la CPEPESC répond à la fois à la DRIRE et à la préfecture :

« Nous vous remercions pour ces précisions précieuses au suivi de nos dossiers…. S’agissant de l’énorme décharge sauvage municipale de PASSAVANT (25), que nous avions dénoncée au Préfet le 30 avril 2004, compte tenu de l’importance du gisement de déchets de toutes sortes qu’elle renferme, enfouis dans une très grande cavité karstique, jalonnant elle-même un axe de fracture tectonique, nous ne pouvons nous satisfaire d’une simple lettre d’avertissement adressée au maire.

Il s’agit en effet d’une ICPE non autorisée, point noir dont il conviendrait de neutraliser au plus vite les infiltrations qui contribuent à polluer le Cusancin, d’autant que ce dépôt, isolé et facilement accessible depuis la RD 464, n’a semble-t-il pas reçu que les seuls déchets du village de PASSAVANT.

Par courrier du 2 août 2004, Mr le Préfet nous avait fait connaître qu’il demandait au DRIRE d’examiner notre demande et de nous répondre.

En conséquence, nous vous remercions de bien vouloir reconsidérer la situation pour ce site au regard de la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement (Article L.514-2 du Code de l’environnement) ».

Une « réhabilitation » annoncée

Le 2 mai 2005, la DRIRE adresse une lettre au Préfet .

« La Commission de Protection des Eaux s’est plainte des conditions de stockage d’une ancienne décharge communale exploitée sur le territoire de la commune de Passavant. Elle fait part notamment des risques de pollution du ruisseau du Cusancin.

Ces risques sont confirmés par l’étude ADEME qui classe cette décharge en catégorie B des décharges à risque fort. Cette décharge étant fermée, un arrêté préfectoral peut être pris en application de l’article 34.1 du décret du 21/09/1977 concernant la remise en état des installations classées mises à l’arrêt définitif et qui prévoit que  » le préfet peut à tout moment imposer à l’exploitant les prescriptions relatives à la remise en état du site…

Cependant, les prescriptions à imposer se déduisent normalement des dossiers de déclaration de cessation d’activité dans lesquels l’exploitant détaille l’état du site et propose des travaux de réhabilitation. Or, pour cette décharge qui n’a jamais fait l’objet d’autorisation d’exploiter et qui ne s’est donc jamais vu imposer la déclaration de cessation d’activité à l’issue de l’exploitation, un arrêté préfectoral pris en application de l’article 18 du décret susvisé doit imposer préalablement à l’arrêté qui fixera les travaux, la réalisation d’une étude de réhabilitation.

Je vous propose de signer un tel arrêté dont un projet est joint en annexe, après consultation du CDH ».

Mi-mai 2005, le projet de « réhabilitation » de la décharge de PASSAVANT est présenté par la DRIRE au CDH (Conseil Départemental d’Hygiène). Cette instance [[dont le nom a depuis évolué pour devenir le CODERST (conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques)]], plus d’enregistrement que d’amélioration des projets, constituée pour l’essentiel de fonctionnaires ou assimilés, entérine depuis des années l’enterrement, c’est-à-dire le recouvrement, des décharges brutes malgré quelques rares protestations de représentants associatifs, d’un hydrogéologue universitaire agréé, d’un médecin.

Il en a été de même pour PASSAVANT. Alors que la seule solution sérieuse serait un vidage complet et l’évacuation de tous les déchets si l’on veut stopper les migrations de polluants vers le fond de la doline et au delà le CUSANCIN.

Après avec ces « concessions » à la pollution, et l’économie ainsi réalisée au détriment de l’environnement, on aurait pu penser que cette « réhabilitation » et la fermeture effective d’une décharge pourrait allait aller très vite.

D’autant que Conseil Départemental d’Hygiène, dans son extrême bonté, a décidé de proposer un délai de 6 mois (au lieu de 3) pour faire les études de « réhabilitation » de Passavant.

Par arrete_dech_passavant.doc, le préfet demande à la commune de présenter une étude de réhabilitation dans un délai de 6 mois. Cette étude doit notamment :

– Caractériser le potentiel danger et le potentiel polluant du site : nature et quantité de déchets, mode de gisement, état de dégradation, potentiel de mobilisation… compte tenu de l’historique du site, de son affectation antérieure, de son mode de gestion et de ses configurations environnementales ;

– Caractériser la situation environnementale du site vis à vis des milieux souterrains (sol, eaux souterraines…), des eaux superficielles, des milieux naturels et paysages, de l’air et des activités humaines actuelles et futures afin de définir la sensibilité de ses milieux et de mesurer et/ou caractériser les impacts qui les affecteraient ;

– Définir les risques potentiels qui pourraient affecter ces mêmes milieux ;

– Définir les travaux à mettre en œuvre pour remettre le site dans un état tel qu’il ne s’y manifeste plus aucun des dangers ou inconvénients mentionnés à l’article L.511-1 du Code de l’Environnement ;

– Proposer un programme de mise en œuvre de ces travaux précisant le coût des travaux correspondants ;

Trois ans plus tard, sur le terrain rien n’a changé :
…on continue de stocker des déchets !

Le 4 juillet 2007, la CPEPESC informait la préfecture par mail à la Préfecture :

« Vous constaterez aisément sur les récentes photographies ci-jointes (juin 2007), que la décharge sauvage communale de PASSAVANT continue de recevoir, en dépit de sa théorique fermeture, différents déchets de natures diverses » et demandait « de bien vouloir nous faire connaître aujourd’hui :

1) où en est exactement la (trop lente) remise en état de ce site

2) la date à laquelle les travaux de résorption et de remise en état du site seront enfin engagés. »

L’association attendra vainement une réponse !

Le 30 mars 2008, à la suite d’une nouvelle sortie de terrain où elle constate sur place que tout continue et que les responsables se moquent du monde, la CPEPESC adresse un recommandé avec accusé de réception au Préfet :<doc1704|right></doc1704|right>

« Le 30 juin 2005, vous preniez un arrêté (réf : ARRETE 2005/DCLE/4B/N°2005 3006 03450 ) enjoignant à la commune de Passavant « de présenter une étude de réhabilitation de la décharge qu’elle a exploitée au lieu-dit la Cretelière dans un délai de six mois ».

Plus de 2 ans après, l’arrêté ci-dessus référencé, la commune de Passavant a dû vous remettre les conclusions de cette étude et notamment définir les travaux à mettre en œuvre pour remettre le site en état et proposer un programme de mise en œuvre de ces travaux.

Or, le 14 mars 2008, une visite des lieux nous a permis de constater que rien n’avait changé.

Même si nous ne connaissons pas les résultats de l’étude que vous avez demandée, une précédente étude diligentée par l’ADEME a classé cette décharge en catégorie B des décharges à risque fort, compte tenu principalement des risques qu’elle fait courir pour le Cusancin. Vous conviendrez aisément que cette situation n’a que trop duré et qu’elle ne saurait se prolonger.

En conséquence, nous vous remercions de nous indiquer la date à laquelle les travaux de résorption et de réhabilitation seront enfin engagés.

En outre et dans le cadre de la loi d’accès aux documents administratifs, nous vous prions de bien vouloir nous communiquer copie de l’étude de réhabilitation qui, compte tenu du délai de 6 mois, doit être achevée depuis longtemps, ainsi que la copie de l’arrêté que vous n’avez pas manqué de prendre pour imposer la réalisation des travaux de réhabilitation et de remise en état du site. Dans le cas où l’étude n’aurait pas été produite, nous vous demandons de faire application de l’article 2 de votre arrêté du 30 juin 2005 … ».

Conclusion :

Faudra-t-il, une fois de plus, que l’association se tourne devant le juge pour faire condamner l’Etat à agir sous astreinte financière ?

Ce manque de volonté des pouvoirs publics – qui se retrouvent de très nombreux dossiers depuis des années – est quant à lui bien durable.

Si cela changeait, on pourrait croire que la volonté affichée de faire du développement durable est bien réelle…