Commission de Protection des Eaux, du Patrimoine, de l'Environnement, du Sous-sol et des Chiroptères de Franche Comté

Demain, la Loue vide? Cyanobactéries et hécatombe de poissons record: la CPEPESC porte plainte pour pollution.

publié le28 mai 2010

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L’association vient d’adresser au Parquet du TGI de Besançon la plainte suivante :

Nos réf : DF/ML/ D 10129
Dossier : DOUBS (W0)
Objet : Pollution et hécatombe des poissons de la LOUE

Besançon le 28 mai 2010

Monsieur le Procureur de la République,

A la suite d’une énorme mortalité des poissons de la rivière LOUE sur une très grande partie de son cours, la Commission de Protection des Eaux de Franche-Comté porte plainte contre X et se constitue partie civile pour destruction de faune aquatique, atteinte au milieu, pollution et toutes autres infractions qui seront mises en évidence dans cette affaire.

Dès le mois de mars, il a été constaté que des poissons mourraient dans la rivière. Mais depuis, ce phénomène s’est énormément intensifié sur une grande partie du cours de la Loue.

Ces mortalités massives ont été relevées particulièrement à partir de l’aval des seuils barrages de LODS et sur tout le linéaire aval : des poissons morts ont été découverts à Vuillafans, Montgesoye, Ornans, Cléron, Cademène, Rurey, Chenecey-Buillon, Cessey. Ce sont particulièrement les truites et les ombres, y compris de petite taille, qui sont touchés. Mais aussi d’autres poissons (chabots et loches franches…). Des poissons malades étaient recouverts de taches blanches ou avaient un comportement insolite.

Ce phénomène continue actuellement, et donc une grande partie de la population piscicole a déjà disparue. Il devient difficile d’apercevoir un seul poisson sain. L’observation visuelle des poissons non touchés en apparence montre un cheptel divisé par dix comparé au cheptel observable en avril mai 2009. Mais la réduction des effectifs va inéluctablement se poursuivre car le développement des cyanobactéries ne peut que s’amplifier et croître jusqu’à la fin de la saison chaude…

Par ailleurs, il faut signaler que le lit de notre plus belle rivière régionale, la Loue, présente un état lamentable : le fond revêtu d’un épais tapis gluant d’algues vertes ou mortes voire en putréfaction. Cet immonde « revêtement » ne peut que contribuer à favoriser l’empoisonnement et les pathologies dont sont victimes les poissons.

L’administration, Préfecture, Police de l’eau, l’ONEMA et l’ARS (ex DDASS) (en raison des captages) est particulièrement au courant de cette situation aquatique et sanitaire désastreuse.

Selon des analyses officielles les eaux sont polluées par une très forte prolifération de cyanobactéries : les analyses ont décelé en moyenne 205 000 cellules de cyanobactéries par millilitre! Ces cyanobactéries ne menacent d’ailleurs pas que le poisson et peuvent être dangereuses pour la santé humaine et animale (eau potable, baignade, consommation du poisson, abreuvement des animaux,…) d’autant que dans la Loue, a été trouvé le genre Oscillatoria, réputé produire des neurotoxines. A ce jour ces activités n’ont pas été restreintes, ce qui nous étonne en raison des risques encourus.

Ainsi l’hécatombe piscicole qui entache la Loue a pour origine le développement exubérant et nettement excessif de ces cyanobactéries.

Notre association estimant qu’il est scandaleux de laisser mourir la LOUE, porte plainte pour que toute la lumière soit faite sur cette affaire et que les responsabilités soient établies.

La présence massive de cyanobactéries, dont certaines, qui sont présentes dans la Loue, produisent des neurotoxines, n’est pas surprenante. La pollution contribue à la prolifération de ces cyanobactéries. Le bassin versant de la Loue est malade des trop nombreux rejets directs d’effluents non épurés qu’ils soient officiels ou dissimulés, des déversoirs d’orage des réseaux d’égouts rejetant dans le sous-sol, des épandages de lisiers, purins, etc..

Le développement des cyanobactéries trouve sa source dans la présence excessive de phosphore, seul élément favorisant la croissance des Cyanobactéries. Ce phosphore peut provenir en premiers lieux de rejets d’élevage agricoles, y compris piscicultures, ou d’effluents résiduaires urbains.

Pour ces activités et leurs rejets, il existe des normes réglementaires qui sont loin d’être toujours respectées et l’association réclame des investigations pour rechercher la (les) source(s) de cette pollution.

En ce qui concerne l’atteinte au milieu aquatique, il nous apparaît que plusieurs infractions pénales peuvent être constituées, dont notamment :

— Rejet de substances nuisibles à la vie ou à la valeur alimentaire du poisson : Délit prévu par l’article L 432-2 et réprimé par le même article du code de l’environnement (amende 18000€ et/où 2ans d’emprisonnement) Code Natinf : 7360

— Rejet par une personne morale de substances nuisibles à la vie ou à la valeur alimentaire du poisson : Délit prévu par les articles L437-23 et L 432-2 du code de l’environnement , réprimé d’une part, par l’article 131-38 du code pénal (amende 18000€ x 5 ) et l’article 131-39 du code pénal (interdiction d’exercer, confiscation, affichage ou diffusion de la sanction). Code Natinf : 23624

— Jeter, déverser ou laisser s’écouler dans les eaux superficielles, souterraines ayant entraîné des effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la flore ou à la faune, à l’exception de certains dommages ou lorsque l’opération de rejet a été autorisée et que les prescriptions de cet arrêté ont été respectées : Délit prévu par l’article L 216.6 et réprimé par le même article du code de l’environnement (amende 75000€ et/où 2ans d’emprisonnement) Code Natinf : 13172

– même fait s’agissant d’une personne morale : Délit prévu par les articles L216-12, du code de l’environnement, réprimé d’une part, par le même article et l’article 131-38 du code pénal (amende 375000€ ) et l’article 131-39 du code pénal (interdiction d’exercer, confiscation, affichage ou diffusion de la sanction. Code Natinf : 21919

– Infractions éventuelles à la LEGISLATION DES INSTALLATIONS CLASSEES (entreprise, élevages, pisciculture) ou aux ouvrages « eau » (Station d’épuration, rejets) soumis à autorisations ou à déclaration. Infractions spécifiques prévues et réprimées au code de l’environnement.

— Déversement direct éventuel d’effluents agricoles dans les eaux superficielles, souterraines ou de la mer ; Épandage illicite d’effluents agricoles : Sanction prévue à l’article R 216-8 du code de l’environnement et réprimée par l’article 131-13-5° du code pénal (amende de 5e classe)

– Abandon éventuel de fumier, matières fécales et, en général, des résidus d’animaux putrescibles dans les failles, gouffres, ou excavations de toute nature : Délit prévu par l’alinéa 2 de l’article L1324-4 du Code de la Santé et réprimé par le même article (amende 45000€ )

– Infractions éventuelles au règlement sanitaire départemental. Prévues par articles L 1311-1 et L 133-2 du code de la santé publique, réprimées par Décret no 73-502 du 21 mai 1973 et art. 131-13 du code pénal.

En raison d’une part de l’émotion grandissante chez tous les amis de la Loue (habitants, consommateurs d’eau de la Loue, touristes, pêcheurs, kayakistes,…) suscitée par cette hécatombe piscicole qui continue de vider la Loue de ses poissons,
et, d’autre part, des résultats très alarmants des analyses déjà réalisées,
notre association,
qui milite activement pour la sauvegarde des cours d’eau dont la contribution est essentielle à la vie dans tout le bassin versant du Rhône, prie instamment Monsieur le Procureur de la République de bien vouloir diligenter rapidement des investigations sur les origines de cette désastreuse affaire.

Dans le cadre de sa constitution de partie civile, notre association demande à être avisée des suites données à cette plainte et souhaite pouvoir exprimer ses doléances à l’audience.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Procureur, nos meilleures salutations.

Le président
Michel Lassus.

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Sur ce sujet voir aussi les pages :

– Dans l’inexorable dégringolade de la Loue, la dernière mortalité piscicole est un témoignage à charge de plus contre le laisser faire.

– Hécatombe des poissons de La LOUE. La CPEPESC demande au préfet communication de l’intégralité des résultats d’analyses, observations et évaluations de risques.