Commission de Protection des Eaux, du Patrimoine, de l'Environnement, du Sous-sol et des Chiroptères de Franche Comté

Dans l’inexorable dégringolade de la Loue, la dernière mortalité piscicole est un témoignage à charge de plus contre le laisser faire.

publié le5 mai 2010

A chaque mortalité piscicole, quelques pêcheurs et riverains poussent un coup de gueule dénonçant la mort progressive d’une rivière autrefois très poissonneuse.

Fin avril la dernière hécatombe de truites, d’ombres et même d’autres espèces plus résistantes comme les chabots,…relance une nouvelle fois le problème de cette mystérieuse et lente agonie commencée dans les années 1980. A cette époque, dans le premier film de la CPEPESC, « Il était autrefois des sources d’eau pure », l’interview d’un biologiste relevait déjà que dans la haute vallée de la Loue, trois espèces de plécoptères avaient déjà disparu. S’en suivi les années plus tard les difficultés de reproduction des poissons de souches autochtones… puis les mortalités périodiques de poissons.

S’en suivi une véritable guerre de l’association contre les milliers de points noirs des plateaux du bassin versant de la Loue et tous ceux qui trainaient les pieds pour respecter la législation : plus de mille interventions : rejets dans le karst, décharges sauvages publiques à profusion, rejet sauvages de purins ou lisier. Maintes fois l’association a même dû attaquer les responsables privés ou publics devant la justice pour obtenir des améliorations en l’absence d’une police de l’environnement digne de ce nom. autorisation_porcherie_septfontaine_13janv2009.pdf Cette incapacité pérenne des pouvoirs publics à investiguer activement sur les pollutions et à prendre des bonnes décisions ( Exemple la nouvelle autorisation d’une porcherie industrielle de 2950 EH) condamne à terme la Loue, rivière éminemment fragile. (voir ci-contre).

Comme une sorte de grande « cuvette de chiottes »

Le problème, c’est que le bassin versant de cette pauvre rivière constitue (disons le crûment !) une sorte de grande « cuvette de chiottes », entonnoir où percolent diluées toutes sortes de « saloperies »: des pertes du Doubs aux innombrables rejets dans le karst et autres infiltrations polluantes de toutes natures et origines.

On connaît bien maintenant toutes les pollutions traditionnelles (organiques, N, P). On peut les voir, les déceler et observer leurs conséquences les plus visibles dans la rivière : profusion d’algues gluantes, des mousses,..). On sait les solutionner avec un peu de bonne volonté.

Mais aujourd’hui dans la Loue, on est aussi probablement confronté à la montée en puissance d’une pollution insidieuse certainement déjà bien en place dont les toxiques des scieries ne sont qu’un des éléments de l’iceberg. Il y a maintenant énormément de substances (surtout en aval d’une ville comme Pontarlier) et non seulement industrielles, chimiques comme les hydrocarbures, mais aussi pharmaceutiques qui se retrouvent dans les eaux de la Loue via les pertes.

Plus de 4.000 molécules actives sont utilisées dans la formulation de médicaments à destination humaine ou vétérinaire. Ces substances et leurs métabolites se retrouvent plus ou moins directement dans l’environnement à travers les eaux usées des hôpitaux et des égouts publics. Les stations d’épuration se révèlent inopérantes à ces pollutions pernicieuses. Quant aux antibiotiques utilisés sur les animaux des élevages industriels, ils constituent une autre source importante de contamination.

Quant on constate, par exemple, l’impact significatif d’un médicament de quelques µg sur un organisme humain, comment ces mêmes molécules rejetées à profusion dans les systèmes d’assainissement qui ne les éliminent pas, n’auraient-elles pas des effets destructeurs et fragilisant sur les modestes êtres vivants des rivières? Et cette faune est confrontée à un cocktail de substances.

En 30 ans on n’a même pas réussi à juguler entièrement la simple pollution organique du bassin versant de la Loue, c’est dire !

Aujourd’hui, malgré la multiplication et l’empilement anarchique des structures publiques se donnant pour mission de protéger l’eau, il n’existe toujours pas plus de volonté politique pour prendre à bras le corps le problème et mettre en œuvre un véritable travail d’investigation scientifique sur les nouvelles pollutions chimiques.

Elles nécessiteraient des compétences et des moyens très importants… sans même que le résultat soit assuré au bout de la route. Beaucoup ont été longtemps optimistes sur l’avenir de cette rivière, beaucoup ne le sont pas aujourd’hui.

La Loue, rivière fragile parmi les rivières, joue pour la Nème fois son rôle de sonnette d’alarme. Mais sera t-il cette fois encore aussi vite oublié?