Commission de Protection des Eaux, du Patrimoine, de l'Environnement, du Sous-sol et des Chiroptères de Franche Comté

Le Syndrome du Nez Blanc : ce champignon qui tue des chauves-souris …

publié le16 février 2011

Découverte en 2006 dans une grotte de l’Etat de New York (USA), ce syndrome, appelé « Syndrome du Nez Blanc – SNB » en raison d’un anneau blanc autour de la bouche ou du museau des chauves-souris, a fait des millions de victimes chez de nombreuses espèces de chauves-souris. Neuf espèces américaines ont déjà été touchées par le SNB (Myotis lucifugus, Myotis grisescens, Myotis velifer, Myotis austroriparius, Myotis septentrionalis, Myotis leibii, Myotis sodalis, Eptesicus fuscus, Perimyotis subflavus) mais c’est plus de 25 espèces cavernicoles qui pourraient être à terme concernées par cette maladie.


Avec déjà plus d’un million d’individus morts en seulement 4 ans et une aire géographique qui s’étend de plus de 200 km par an et qui vient de toucher en 2010 le Canada et de nouveaux Etats des USA (à l’heure actuelle, 16 Etats sont concernés … donc 2 nouveaux lors de l’hiver 2011!), cette maladie étrange progresse très rapidement (voir les images jointes du BCI), la mortalité continue depuis 2006 dans de nombreux secteurs protégés et s’étend à d’autres espèces (1er cas en 2010 sur Myotis velifer en Oklahoma). Dans le Comté d’Albany (Etat de New-York), une cavité protégée a vu ses effectifs chuter de 16 134 individus en 2005 à 1 443 individus en 2008, soit près de 90% de baisse d’effectifs !. Au moins 5 des 9 espèces affectées ont subi des pertes importantes. Certaines de ces espèces sont déjà inscrites comme « espèces menacées » sur la liste des espèces menacées des Etats-Unis, y compris Indiana bat (Myotis sodalis) dont le principal gîte d’hibernation à New York a été sérieusement affecté.

Dans le numéro de décembre de National Geographic, un article faisait le point sur la connaissance sur ce phénomène alarmant aux Etats-Unis. Néanmoins, des résultats de suivi sur un site (Caverns Howe) peuvent laisser un espoir. Car, après une chute vertigineuse depuis 2006 (passant de 1229 individus dénombrés à 69 entre 2006 et 2008), les effectifs semblent stabiliser, voire à une certaine augmentation avec 50 individus en 2009 et 70 individus en 2010.

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La petite chauve-souris brune, Myotis lucifugus, pourrait bien changer de statut. Classée par l’UICN dans la rubrique « préoccupation mineure », elle pourrait rapidement se voir placer au rang d’espèce en voie de disparition. Il y a quelques années encore, elle était pourtant l’un des chiroptères les plus communs d’Amérique du Nord. Dans Science, une équipe de zoologues se montrent guère optimistes. Selon eux, les colonies de Myotis lucifugus du Nord-Est des Etats-Unis pourraient purement et simplement disparaître au cours des 16 prochaines années. D’ailleurs, Thomas KUNZ vient de demander dans un rapport très documenté le re-classement en espèce « en danger de disparition » et la mise en oeuvre d’actions de protection de l’espèce.
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Dans l’état actuel des connaissances (qui devraient être très prochainement publiées), le champignon, Geomyces destructans (le fameux responsable de ces myceliums blancs externes) est l’agent causal du SNB. Les chauves-souris peuvent se réveiller pendant leur hibernation, brûler leurs réserves de graisse et mourir d’inanition. D’autres décèdent de pneumonies, de fortes fièvres ou d’autres infections.

Quelles actions ont été menées ?

Par précaution, l’administration de certains Etats interdit l’accès à certaines cavernes et grottes, car certains spécialistes estiment que les spéléologues, mais aussi les chiroptérologues, pourraient véhiculer le champignon néfaste et contribuer ainsi à la diffusion de la maladie aux chauves-souris. Mais malgré ces premiers principes de précautions, le SNB progresse au rythme de 200 km par an.

Et l’Europe dans tout cela ?

En mars 2009, une femelle de Grand murin (Myotis myotis) est découverte porteuse du champignon (le « fameux » Geomyces destructans) dans une grotte située près de Périgueux (Dordogne). Néanmoins, aucun autre symptôme du SNB et surtout aucun cas de mortalité avéré.

Depuis, en Europe, les cas de Geomyces destructans se découvrent progressivement au fur et à mesure des attentions portées par les scientifiques et les naturalistes (1, 2) dans plusieurs pays européens (Allemagne, Grande-Bretagne, Hongrie, République Tchèque, Slovaquie et Suisse) avec d’autres espèces touchées (Murin de Daubenton, Murin des marais, Murin de Brandt et Petit murin). Le nombre de cas semble dépendre plus de l’effort de prospection que d’autres facteurs.

L’ensemble de ces cas découverts en Europe démontre que le phénomène européen est plus une « géomycose » que le « fameux WNS américain » en raison de l’absence de mortalités !

En France, grâce au réseau des chiroptérologues français dont ceux de la CPEPESC, une quinzaine de cas, essentiellement dans l’est de la France, sont suspectés et recensés par le site Chiroblog.

En Franche-Comté, plusieurs cas de chauves-souris avec du mycélium autour du nez ou de la bouche (sans démontrer d’ailleurs que cela correspond au Geomyces destructans) ont été observés par des membres de la CPEPESC (et transmis au réseau de Chiroblog) depuis 2 années dans quelques sites sans constater de mortalités avérées. Pour l’instant, en Franche-Comté, l’espèce « touchée » est uniquement le Grand murin (Myotis myotis).

Et les scientifiques

Depuis 2006, les scientifiques, qu’ils soient américains, européens ou français, n’avancaient pas beaucoup d’explication, mais plutôt de nombreuses hypothèses diverses et variées, concernant la propagation de l’épidémie, son origine (européenne ou américaine), la cause réelle de la mortalité, … et surtout comment soigner cette maladie.

Mais en novembre 2010, une publication récente (3) avance une hypothèse construite autour du fameux « Geomyces destructans » qui déclencherait une déshydratation massive chez les individus touchés, obligeant ceux-ci assoiffés à de fréquents réveils pendant la période d’hibernation. Le métabolisme des individus se trouverait ainsi perturbé : atteintes circulatoires et respiratoires, dérégulation thermique et réduction des capacités de vol. La chauve-souris touchée évoluerait inéluctablement vers la mort.

Maintenant si cette hypothèse était confirmée, il resterait à savoir pourquoi les chauves-souris européennes ne sont pas (pour l’instant ?) concernées !

A suivre …

En Français

Chiroblog

En Anglais

Un article intéressant du dernier n° de la revue Science

le site du BCI sur le SNB

(1) – Wibbelt, G., A. Kurth, D. Hellmann, M. Weishaar, A. Barlow, M. Veith, J. Prüger, T. Görföl, L. Grosche, F. Bontadina, U. Zöphel, H.-P. Seidl, P.M. Cryan and D.S. Blehert. 2010. White-Nose Syndrome Fungus (Geomyces destructans) in Bats, Europe. Emerging Infectious Diseases Vol. 16, No. 8 : 1237-1242.

(2) Martınkova, N., P. Backor, T. Bartonicka, P. Blazkova, J. Cerveny et al. 2010. Increasing Incidence of Geomyces destructans Fungus in Bats from the Czech Republic and Slovakia. PLoS ONE 5 (11): e13853. doi:10.1371/journal.pone.0013853

(3) Cryan PM, et al. 2010. Wing pathology of white-nose syndrome in bats suggests life-threatening disruption of physiology. BMC Biology 2010, 8:135.